Module d’enseignement en ligne

Chapitre Grain
Théorie sur la création de récits
60 minutes
L'objectif de cette leçon est de comprendre les méthodes pour développer une idée afin de démarrer une histoire.
A la fin de cette leçon, les participants devrait être capable de réaliser des "embryons d'histoires". Ils vont expérimenter avec différentes méthodes pour exercer leur imagination et leur créativité.

Théorie sur la création narrative

Définir l’intrigue. L’intrigue est la série de moments dramatiques qui permet de conquérir le lecteur et de maintenir son intérêt pour l’histoire. Il est évident que pour construire une intrigue efficace, il n’y a pas de règle universelle.

L’écrivain D. Buzzati, lors d’une interview, a déclaré « Ma plus grande ambition est de ne pas briser l’âme du lecteur » (Roncoroni, 1989). En d’autres termes, chaque auteur doit essayer de générer et de gérer la tension afin que le lecteur ne s’ennuie pas mais trouve continuellement un stimulant.

La première étape pour créer une intrigue consiste à construire un scénario, c’est-à-dire une succession d’événements disposés dans un ordre chronologique. Reprenant l’exemple précédent :

« Deux garçons ayant des problèmes en mathématiques trouvent sur un panneau scolaire le numéro d’un professeur qui donne des cours particuliers et qui prend des rendez-vous. Ils se rendent chez lui et trouvent la situation assez étrange. La leçon se déroule tout à fait normalement et est sur le point de se terminer. Le professeur demande alors la permission de s’absenter quelques minutes et laisse les élèves finir un exercice. Les garçons terminent l’exercice mais le professeur a déjà disparu. Ils essaient de sortir de la maison mais la porte est fermée par un cadenas. Ils découvrent une série d’indices, liés à des démonstrations mathématiques, qui permettent par la suite de déverrouiller le cadenas. Derrière la porte, ils retrouvent le professeur ».

Ce passage ressemble à un article de journal, il n’y a pas de tension car ce n’est qu’une succession d’évènements. Il est indispensable de réorganiser le récit, en modifiant également l’ordre chronologique pour créer une tension et du suspense. L’important est de concentrer l’attention sur le développement des six moments du récit suivant:

Introduction

Premièrement, il faut initier le lecteur dans le récit, en lui fournissant tous les éléments nécessaires pour comprendre:

  • le protagoniste ,
  • sa condition de départ ,
  • le contexte initial .

La littéraire moderne privilégie les intrigues qui commencent au milieu, fournissent des informations par le biais d’un flashback, et se terminent sans véritable fin. Nous suggérons d’éviter les longs prémisses ou les introductions. Les lecteurs aiment généralement être immédiatement impliqués dans une action, plongés dans une histoire qui les intrigue, les fascine, les excite tout de suite.

Il n’est pas nécessaire de trop décrire. Une description composée de quelques éléments physiques et émotionnels bien choisis suffira. Nous laisserons ainsi de la place à l’imagination du lecteur. Par exemple, l’histoire pourrait commencer de la manière suivante:

“Thomas et Max ont essayé de donner un sens à ces problems d’intégrales depuis longtemps. “Je continue de penser que ce truc est complètement inutile: On a pas besoin de reviser ces matières! On doit seulement convaincre Teresa de nous donner les réponses de l’examen. Et ce Professeur Moris? Il est tellement bizarre! » dit Max.

“Avant tout, où est ce qu’il va ? Je veux sortir d’ici.

Tu as raison, ce n’était pas une bonne idée de répondre à cette annonce” répond Thomas, en jetant un coup d’oeil dans le couloir de la grande salle.

Le silence régnait dans l’appartement. Seule une vieille horloge sur le mur gardait l’heure ennuyeusement.

Événement extraordinaire

Un événement extraordinaire bouleverse le quotidien du protagoniste. C’est le cœur de l’histoire et correspond au point de tension: C’est pour cette raison que le lecteur reste passionné par ce que l’auteur écrit. Ce type d’évènement détermine aussi le genre littéraire (ex. aventure, noir, thriller, fantasy, etc).

NB: Il faut toujours essayer d’établir un lien entre le lecteur et la situation.

Consequences

L’événement extraordinaire déstabilise l’équilibre du protagoniste qui pense être face à quelque chose de plus puissant que lui, souvent invincible. L’auteur doit souligner les difficultés qu’il aura à sortir de l’impasse et le besoin d’agir. Cela devrait motiver le lecteur à se tourner vers le protagoniste en lui disant ‘Qu’est-ce que tu attends? Réagis! Tu as une chance! Si j’étais toi, je ferai ça… Allez!”. Si le projet à un objectif éducatif, cette étape est cruciale. Elle devrait créer un appel à l’action de la part du lecteur: Que feriez-vous si vous étiez le protagoniste?

Reactions

Le personnage principal, après avoir subi les conséquences de l’événement extraordinaire, décide de réagir et trouve la force de tenter et de restaurer un nouvel équilibre. Le protagoniste peut utiliser son intelligence, ses compétences, son courage et sa volonté. C’est précisément cet aspect qui permet au lecteur de s’identifier plus facilement au protagoniste, de se laisser emporter par la passion de son parcours et d’applaudir son succès. Il existe de nombreux exemples d’histoires où un personnage faible parvient à se libérer d’une situation difficile, en commençant à croire en ses propres capacités (ex. Harry Potter de J.K. Rowling).

Cette étape est très importante pour créer des modèles positifs, permettant à l’auteur de démontrer sa capacité à réussir en ayant confiance en ses capacités.

Solution

Le temps est venu pour le protagoniste de trouver une issue au labyrinthe dans lequel il s’est perdu et de rétablir un nouvel équilibre, qui lui permettra de revenir à la vie d’avant avec une nouvelle vision. Le protagoniste, après avoir vécu son aventure, sera destiné à une existence différente et meilleure.

Réflexions

Cette étape est très importante car elle permet à l’auteur de clarifier le message de l’histoire, en créant un pont entre le passé et le futur du protagoniste.

Enfin, il est nécessaire de trouver un bon titre qui ne doit pas être trop long, captivant et original. Un moyen pratique est de partir des premiers mots qui vous viennent à l’esprit et de jouer avec des synonymes ou des antonymes, jusqu’à ce que vous arriviez à quelque chose de plus original et inattendu ! Un vocabulaire de synonymes et d’antonymes peut vous aider !

Le voyage du héros

Le scénariste C. Vogler a lui aussi défini le schéma « Le voyage du héros », qui identifie une structure narrative bien définie basée sur 12 étapes fondamentales que le héros accomplit au cours de son voyage. Vogler identifie une série de personnages fonctionnels, appelés archétypes, qui accompagnent l’ensemble du schéma narratif.

Parmi les principaux, on peut citer:

  1. Héros : le protagoniste qui, dans l’histoire, est à la recherche de lui-même ou doit atteindre un but.
  2. Mentor : le guide qui aide le héros dans son voyage. Pour le héros, cette personne représente une sorte de conscience qui sert à le motiver.
  3. Gardien du seuil : celui qui teste les qualités du héros en le mettant à l’épreuve, en sondant sa volonté pour la renforcer.
  4. Aide : personnage qui a un rôle secondaire mais qui aide le personnage principal dans son voyage.
  5. Objets magiques : sujets ou objets qui aident le héros à accomplir son exploit.
  6. Traumatisme : un événement qui met le héros à l’épreuve et dont il doit se remettre..

Graphic interpretation of the « The hero’s journey », n.d.

Conseils pour un bon récit

Étudiez votre itinéraire !

Il y a tant de façons de faire avancer l’histoire. Raymond Queneau dans « Exercices de style » (1983) offre un exemple probant de la relation entre les genres de discours et le contenu. Le livre reformule l’histoire d’un homme descendant d’un bus dans lequel il voyageait et perdant un bouton de ses vêtements en 99 versions différentes ! Pour chaque version, Queneau utilise des procédés spécifiques : le choix du genre, du temps, du style, la prévalence du type de description sensorielle, etc. Chaque version crée une histoire complètement différente.

From Queneau, R. (1983). Exercises in style

Queneau nous apprend qu’un contenu similaire peut être traité de multiples façons. Nous devons être astucieux et choisir le style qui nous permet de nous exprimer au mieux. Un amateur de roman policier devra s’appuyer sur sa connaissance du genre et son plaisir à créer des mystères et des personnages énigmatiques. Un amoureux de l’histoire devra accompagner le lecteur dans une époque du passé, en lui faisant découvrir ce que les livres scolaires ne racontent généralement pas…

Chaque genre a son rythme et son langage narratif, qui doivent être adaptés, comme s’ils étaient la musique d’un film:

ARTICLE DE JOURNAUXHISTOIRE D’AVENTURE ROMAN HISTORIQUEHISTOIRE DE SCIENCE-FICTION ROMAN POLICIER
Des informations scientifiques, claires et pertinentes Un rythme constant Des détails et descriptions communiqués de manière impersonnelleUne mise en scène pleine de rebondissements Un rythme rapide, des descriptions concises et efficaces, avec très peu de détours. Un parcours en montée avec un impact final Des faits historiques enrichissent l’histoire Rigueur et cohérence documentaire Personnages réels ou plausibles Excursion historique pour contextualiser l’histoire Détails importantsUn développement scientifique et technologique au centre de l’histoire Une terminologie appropriée Des temps et des lieux réinventés par l’auteur, un monde à découvrir Le héros voyage au-delà des frontières du connuMystère Suspens Mise en scène d’informations / d’indices ayant une signification précise pour orienter le lecteur Utilisation de la logique pour trouver des solutions uniques et rationnelles

Pensez à surprendre votre « compagnon de voyage », le participant de votre expérience

Écrire est comme un voyage où il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir. Notre approche doit donc toujours être basée sur la création de rebondissements, qui rendent le chemin que le lecteur empruntera moins linéaire et moins évident. Comme dans le voyage, ce n’est pas seulement la destination finale qui compte, mais aussi le chemin pris pour l’atteindre ! Nous pouvons surprendre le lecteur en utilisant l’ironie, le paradoxe, le suspense, la peur, l’amusement. En tout cas, il faut toujours être original quel que soit le message que l’on veut communiquer. Il ne faut jamais oublier que nous ne nous parlons pas à nous-mêmes mais que nous avons un compagnon de voyage : nous devons trouver un moyen de l’impliquer à travers des questions, des réflexions ouvertes, des silences..

Transmettez la confiance

Le narrateur doit être confiant dans ses choix et être capable de gagner la confiance du lecteur. À cette fin, il est essentiel d’éviter les détails inutiles, qui peuvent être ennuyeux et distrayants. Les répétitions peuvent paradoxalement nous étiqueter comme des narrateurs peu sûrs d’eux : quel besoin y a-t-il de réaffirmer le même concept ? Peut-être ne sommes-nous pas sûrs de l’avoir transmis de la bonne manière ? Mieux vaut alors essayer de le reformuler, en utilisant des mots clés et quelques adjectifs qui donnent les bonnes nuances. Les lecteurs préfèrent être stimulés et avoir leur propre espace pour se sentir libres d’imaginer.

Parlez la bonne langue

Laisser les personnages interagir par voix indirecte peut être compliqué. Nous recommandons de laisser les personnages se parler entre eux afin que l’histoire se déroule plus rapidement et plus facilement. Le lecteur veut entendre les voix des personnages et leur personnalité peut émerger de façon plus intéressante pendant qu’ils parlent !

Matériels et ressources
Queneau, R. (1983). Exercises in style. https://monoskop.org/images/4/49/Queneau_Raymond_Exercises_in_Style_pp_1-26.pdf. Roncoroni, F. (1989), Il meglio dei racconti di Buzzati (preface of the book), Mondadori. Vogler, C. (2007). The Writer's Journey: Mythic Structure For Writers. Michael Wiese Productions.