Module d’enseignement en ligne

Chapitre Grain
La fonction des accessoires
60 minutes
Le but de cette leçon est d'identifier les éléments fonctionnels pour la mise en place d'un "espace scénique" fonctionnel à notre expérience de la "salle d'évasion". Les différents éléments utiles seront analysés, en les distinguant selon leurs fonctions.
A la fin de cette leçon, les participants devraient être capable de:
  • Identifier les accessoires les plus appropriés à partir d'une histoire/un scénario
  • Classer leurs fonctions;
  • Différencier les accessoires physiques et techniques;
  • Evaluer la fonction des fausses-pistes et comprendre quand les utiliser.

Fonctions des accessoires

Nous sommes ici à un point crucial de la construction de notre escape room : la mise en scène.

Dans les prochaines leçons, nous essaierons de comprendre comment choisir et concevoir l’équipement et comment créer l’atmosphère idéale. Nous verrons donc les différents éléments dont nous disposons. En effet, l’atmosphère d’un lieu est créée par un ensemble d’éléments, qui ont de nombreuses fonctions : par exemple, contribuer à la contextualisation du récit, faciliter l’identification de l’acteur dans le lieu, stimuler la réflexion. L’atmosphère peut être enrichie en essayant d’exploiter au maximum les sens, en faisant attention à la musiques / sons d’ambiance, de parfums, d’éléments tactiles, etc.

Imaginer un espace signifie « savoir identifier, dans un lieu, les caractéristiques qui le distinguent comme un lieu spécifique, être producteur d’impressions. (…) L’espace n’est pas un conteneur mais un générateur d’événements ». (Rossi Ghiglione A., 2013). Il n’est donc pas un élément neutre mais essentiel à la construction narrative. En outre, « les objets présents dans la scène sont d’autant plus efficaces qu’ils sont à la fois concrets et métaphoriques et beaucoup moins abstraits » (Rossi Ghiglione A., 2013).

Dans une vidéo, le cinéaste et maître conteur R. Kaneria (2015) analyse les fonctions stratégiques que peuvent avoir les accessoires, en citant quelques films célèbres. En réalité, ils sont beaucoup plus importants que le mobilier ou la décoration et, en résumé, peuvent être utilisé pour:

  • Supporter l’intrigue,
  • préciser certaines traits de caractères d’un personnage,
  • raconter un phénomène sans le montrer ou montrer quelque chose de différent,
  • créer du suspense,
  • nous faire rire ou pleurer, générer des émotions par le symbolisme représenté
  • nous donner de faux indices
  • révéler un mystère,

et plus encore!

Dans certains films, un objet peut devenir un personnage clé, comme pour Wilson dans « Cast Away » : ce n’est pas un être humain ou un animal, mais un ballon de volley-ball! Cet objet inanimé devient un personnage, un véritable confident, l’incarnation d’un compagnon qui parvient à sauver le protagoniste de la solitude.

Image de “Cast away”

Dans d’autres cas, les accessoires fonctionnent comme un symbole et une métonymie pour les protagonistes : Le fouet d’Indiana Jones ou le parapluie de Mary Poppins, par exemple. En outre, les accessoires peuvent faire partie d’un système symbolique : dans le « Parrain » de Francis Ford Coppola, les oranges sont symboliques de la mort et apparaissent dans les scènes où quelqu’un va mourir.

Image du film “Godfather”

Ces remarques, relatives au domaine théâtral, peuvent également s’avérer très utiles dans la construction de l’espace d’une escape room et l’analyse de ses accessoires.

Leurs fonctions peuvent être divisées en quatre macro-zones, identifiant quatre dimensions qui doivent être prises en considération en même temps dans la conception d’une salle. L’objectif est de rendre le décor crédible et reconnaissable : c’est un objectif important car les participants examineront chaque détail avec attention et minutie comme dans une escape room !

  1. Dimension spatiale : permet de contextualiser l’histoire dans un lieu spécifique et reconnaissable par l’utilisateur. Par exemple, un endroit avec des étagères pleines de livres et des tables de lecture nous indique une bibliothèque ; une pièce plutôt dépouillée, avec un lit, une table de nuit et une petite fenêtre à barreaux nous entraîne mentalement dans une prison.
  2. Dimension temporelle : identifier un espace temporel spécifique et symboliser les faits et les événements qui se sont produits précédemment dans ce lieu, utile pour contextualiser l’histoire et comprendre les personnages, de manière symbolique et déductive. L’utilisateur doit être capable de comprendre ce qui s’est passé dans cet espace, comment il a été utilisé, quel a été son passé… Les objets peuvent contenir une signification puissante dans ce sens : par exemple, la présence de toiles d’araignée suggère clairement la inutilisation de l’espace ou un reçu avec la date du jour indique clairement que celui qui occupait cet espace y était présent jusqu’à récemment ; une pièce meublée d’objets et de meubles d’époque nous ramène psychologiquement à une période ancienne.
  3. Dimension relationnelle : qui a déjà été dans cet espace ? Quelles sont les histoires individuelles liées à ce lieu ? Par exemple, deux coupes de champagne laissées sur une table suggèrent que deux personnes étaient là. Cela pourrait impliquer une rencontre romantique si l’un des deux verres portait une trace de rouge à lèvres et s’il y avait une rose à proximité, ou une touche de mystère si un des verres était plein et l’autre vide.
  4. Dimension fonctionnelle : que faut-il prévoir pour utiliser l’espace et créer une expérience à l’intérieur ? Quels sont les outils et les éléments techniques nécessaires ? Cet aspect devient très important lorsque l’utilisateur entre physiquement dans l’espace et en tire une expérience, comme dans le cas des Escape rooms.

Créer des accessoires

L’atmosphère d’un lieu est créée par un ensemble d’éléments coordonnés (matériels, immatériels et numériques), qui ont de nombreuses fonctions : principalement, contribuer à la contextualisation du récit et à la crédibilité de l’expérience, permettre au joueur de s’identifier dans le lieu, guider l’expérience de jeu, stimuler la réflexion et, aussi, distraire.

On peut distinguer les accessoires physiques, les fausses pistes et les accessoires techniques. Examinons quelques exemples.

Accessoires physiques

Une fois le thème défini, il est important d’identifier les éléments symboliques qui peuvent transmettre un message à propos du lieu, de manière directe mais pas évidente, en tenant compte des quatre dimensions analysées ci-dessus.

Il est donc nécessaire de répondre à certaines questions:

  1. Quelles sont les caractéristiques qui, en réalité, définissent le cadre que nous avons imaginé comme un lieu spécifique ?
  2. Comment ces caractéristiques sont-elles liées aux objets physiques ? Quels sont les éléments normalement présents dans un tel espace ?
  3. Comment certains de ces objets pourraient-ils devenir des vecteurs de messages/énigmes ?
  4. Comme dans les récits, comment est-il possible de créer des surprises et des rebondissements à travers des objets ? Par exemple, dans une pièce hantée, un livre peut tomber à un certain moment (par un mécanisme contrôlé). Cela peut créer une tension, mais aussi être utile pour fournir un indice particulier sur la façon de poursuivre le jeu.

Répondre à ces questions vous permettra de travailler:

  1. Meubles et objets qui représentent le thème ou l’environnement. Il est toujours conseillé d’utiliser de vrais meubles, pour éviter d’avoir l’air faux. Pour reconstituer des environnements inconnus (comme une prison), une recherche iconographique peut être utile. Les différents accessoires d’ameublement doivent être en rapport avec l’environnement et l’époque historique. Toutefois, il est possible d’insérer des notes qui entrent en conflit avec le reste de l’environnement si elles contiennent des indices/clés/codes utiles (par exemple une cabine téléphonique sur une île éloignée). Il est conseillé de bloquer tous les éléments purement scénographiques et les objets qui génèrent des actions avec lesquelles les joueurs ne doivent pas interagir, afin de ne pas avoir à les remplacer lors de la réinitialisation de la salle. Dans certains cas, cela est requis par la scénographie (par exemple les sièges d’un bus).
  2. Des éléments à manipuler pour résoudre les puzzles et les systèmes de verrouillage (cadenas, chaînes, mots de passe, etc.). Les éléments à manipuler doivent être incassables et réutilisables. Pour cette raison, il est conseillé d’utiliser des objets qui peuvent être une sorte de « conteneur » du puzzle, par exemple un coffre-fort avec une combinaison où se trouve le puzzle suivant. Ce puzzle pourrait être à base de papier et facilement remplaçable. Le mobilier peut également contribuer à la réalisation des puzzles (par exemple une armoire).
  3. Les touches finales. Elles font vraiment la différence. Une pièce abandonnée a de la poussière et des toiles d’araignée, tandis que la salle du meurtre pourrait avoir une empreinte de pas. Il est donc nécessaire de prêter attention aux plus petits détails et de les concevoir de manière durable. Quelques conseils : pour faire vieillir les tissus, comme les rideaux ou les draps, vous pouvez les faire tremper pendant quelques minutes dans un bain de thé noir dilué, puis les laisser sécher. Ou, pour faire vieillir des papiers en quelques minutes, suivez les conseils de cette vidéo.
  4. Éléments interactifs et immatériels: Pour plus d’interaction, les joueurs doivent pouvoir se sentir entièrement impliqués. Il est donc important de faire dialoguer l’environnement avec les cinq sens, également par le biais d’éléments immatériels utiles à la narration:
  • La vue – En ce qui concerne les objets, il est possible d’utiliser des images projetées, des lumières qui recréent des décors particuliers, ou d’étudier des astuces pour passer rapidement du jour à la nuit (et inversement). Méfiez-vous des puzzles basés sur les couleurs : les daltoniens auront du mal à les résoudre.
  • L’ouïe – Les effets sonores sont très utiles pour effrayer, fournir des indices supplémentaires ou alerter les joueurs, à condition qu’ils soient coordonnés avec l’environnement et avec ce qu’il se passe dans la pièce. Il est possible d’utiliser de la musique et des sons liés à des actions spécifiques qui se déroulent dans la pièce, mais aussi des puzzles sonores. Par exemple : des combinaisons de bruits différents ou sons peuvent être utilisées pour ouvrir un objet ou une porte ; ou un indice peut être lié à un son qui s’intensifie lorsque le joueur s’approche du bon endroit.
  • Le toucher – Si un élément peut sembler à première vue identique à un autre, en réalité, il peut être différent au toucher : un panneau de tissu de la même couleur qu’un mur ou un rembourrage pourrait cacher quelque chose.
  • L’odorat – Le nez nous envoie des signaux importants sur les endroits où nous nous trouvons. Une clinique ou un hôpital a tendance à sentir le chlore, une cuisine la nourriture, une herboristerie des plantes naturelles (cannelle, clous de girofle, etc.), une salle d’encens orientale, etc.
  • Le goût – Le sens le plus difficile à satisfaire, mais aussi le moins utilisé pour résoudre des énigmes ou pour se situer. Un grand défi, cependant, pourrait être de faire des puzzles qui ne sont résolus qu’en goûtant certains éléments, en faisant attention aux règles sanitaires, aux allergies et aux habitudes alimentaires!

harengs rouges

Il faut également prendre en compte les fausses pistes. Il s’agit de faux indices qui ont pour but de semer la confusion chez les joueurs et leur donner de fausses pistes. Ils se distinguent donc des accessoires qui, au contraire, sont des objets qui ne sont pas nécessaires pour résoudre l’escape room, mais qui servent uniquement à décorer et à créer une atmosphère. Insérer des objets qui ne sont pas nécessaires à la fin de l’histoire a la fonction double de rendre l’environnement du jeu plus comparable à celui d’une pièce réellement piégée et, en même temps, de désorienter les joueurs du parcours qui les mènera au bout. Leur absence rendrait le parcours trop simple et trop évident.

Cependant, il est toujours préférable de ne pas abuser de cette méthode. En effet, Nicholson (2015) a constaté que même dans les escape rooms commerciales, « les concepteurs sont partagés de manière égale sur l’utilisation des fausses pistes ; environ la moitié d’entre eux en utilisent, et l’autre moitié s’efforcent de ne pas intégrer de fausses pistes dans les salles. Un concepteur a déclaré qu’il pensait que les fausses pistes pouvaient créer une mauvaise expérience pour un joueur qui passerait un temps considérable sur un puzzle qui n’est pas important pour terminer le jeu. La réalité est que les joueurs considèrent souvent que tout ce qui se trouve dans la pièce est important, de sorte que même dans les pièces qui n’utilisent pas de fausses pistes en tant que décor, les joueurs ont tendance à chercher le sens profond de quelque chose qui n’est qu’une décoration ». Il faut donc les utiliser avec prudence, car les joueurs pourraient les considérer comme une perte de temps. Ils peuvent être considérés comme intéressants lorsqu’ils nécessitent un temps de résolution court ou peuvent ajouter quelque chose au jeu (côté humoristique, contenu d’apprentissage, etc.), ou encore visent à encourager un raisonnement collectif entre les participants. En général, ils ne sont pas conseillés pour les élèves présentant un trouble spécifique de l’apprentissage. Dans ce cas, il est préférable d’éviter les fausses pistes, si possible. Sinon, il vaut mieux incorporer un indice à l’intérieur de la fausse piste indiquant qu’elle ne fait pas partie des puzzles (police de caractères différente, couleur légèrement modifiée).

Accessoires techniques

Les accessoires techniques répondent à la nécessité de placer notre espace dans une dimension fonctionnelle, de rendre l’espace utilisable. Quels sont les outils et les éléments techniques nécessaires ? Cet aspect devient très important si l’utilisateur entre physiquement dans l’espace et en fait l’expérience, comme dans le cas des escape rooms.

Identifions les principaux accessoires techniques:

  1. Systèmes techniques de diffusion de lumière, d’images et de sons (projecteur, chaîne stéréo, etc.)
  2. Éléments permettant de définir le temps (un chronomètre ou un compte à rebours). Il est nécessaire de considérer certains aspects :

a) Commande à distance du chronomètre. Le moniteur qui affichera le compte à rebours pour l’équipe participant à la session de jeu peut être utilisé comme une simple minuterie ou, en plus du chronomètre, pour envoyer des messages aux utilisateurs, tels que des suggestions ou d’éventuels avertissements sur les actions effectuées par l’équipe à l’intérieur de la salle.

Joignez-vous à vos frères, apportez votre foi là où la lumière était auparavant”

b) Installation facile : pour des raisons de simplicité, il est conseillé de lancer le compte à rebours manuellement. Cependant, les interrupteurs, les télécommandes et même les commandes logicielles sont disponibles via interface sur un ordinateur ou tablette.

c) Personnalisation graphique : certaines minuteries permettent de personnaliser la police, les couleurs, le fond et l’orientation du texte. Une ressource en ligne qui peut être utilisée est Countdownkings, qui permet également d’envoyer des messages et des indices aux joueurs (des tutoriels sont disponibles)..

3. Les accessoires pour interagir avec le Maitre de Jeu. La présence du maître de jeu est importante pour beaucoup d’aspects (s’assurer que les joueurs ont une expérience adéquate, fournir de l’aide aux joueurs lorsqu’ils sont bloqués ou frustrés, s’il ont besoin d’une aide urgente, etc. ). Cela se fait généralement par vidéo (76% du temps dans l’étude de S. Nicholas) et/ou en étant dans la salle pour interagir directement avec les joueurs (16% du temps).

4. Les éléments pour assurer la sécurité. Le mécanisme de sécurité pour sortir de la pièce doit être indiqué aux joueurs. Comme le souligne Nicholson (2016), en matière de sécurité, « la solution la plus courante consiste à fournir aux joueurs un moyen de sortir de la pièce en cas d’urgence, comme une clé pour une porte mécanique ou un bouton poussoir pour une serrure de porte, qui se déverrouillerait ensuite en cas de coupure de courant ». Dans certains cas, la porte n’est pas réellement verrouillée ou il existe une sortie de secours secondaire.

Matériels et ressources
◦ Coppola, F. F. (Director). (1972). The Godfather [Film]. Paramount Pictures. ◦ Kaneria, R. (2015). Why Props Matter, https://vimeo.com/143619334 . ◦ Nicholson, S. (2015). Peeking behind the locked door: A survey of escape room facilities, http://scottnicholson.com/pubs/erfacwhite.pdf . ◦ Nicholson, S. (2016). The State of Escape: Escape Room Design and Facilities, http://scottnicholson.com/pubs/stateofescape.pdf . ◦ Rossi Ghiglione, A. (2013). Social and Community Theater. Dino Audino Editore. ◦ UglyMcGregor (2015). How To Create Authentic Looking Aged Paper In Three Minutes, https://www.youtube.com/watch?v=rBcD-8QSWpw . ◦ Zemeckis, R. (Director). (2000). Cast away [Film]. DreamWorks, 20th Century Fox, Image Movers/Playtone.